Les marchés prédictifs, qui agrègent l’intelligence collective grâce à des mécanismes de marché pour anticiper des événements futurs, sont en train d’émerger du monde crypto pour attirer l’attention du grand public. Ce phénomène s’est particulièrement illustré lors de l’élection présidentielle 2024 et la saison NFL 2025, suscitant débats et curiosité tout en démontrant la valeur médiatique et commerciale des prédictions financières. Dans ce contexte, Polymarket, pionnier et leader du secteur, mérite une attention particulière pour ses évolutions récentes.
Ⅰ : Volume hebdomadaire d’échange sur Polymarket
Polymarket s’est imposé comme l’un des plus vastes marchés prédictifs décentralisés, ce que confirment ses indicateurs de croissance : en octobre, le volume mensuel a dépassé 3 milliards de dollars et plus de 470 000 utilisateurs actifs mensuels ont été recensés. Grâce à la pertinence de ses prédictions sur la politique, le sport et l’économie, les données Polymarket sont fréquemment relayées par de grands médias comme Bloomberg et Reuters, étendant son influence au-delà du secteur crypto vers le débat public. Ce flux massif d’utilisateurs a fait évoluer Polymarket d’une simple plateforme d’échange à un véritable « hub d’information » reflétant en temps réel l’intelligence collective.
Face à une croissance accélérée et à la diversification de la demande, Polymarket a choisi de ne pas se limiter à une plateforme unique, mais de lancer les Builder Codes, pivot de sa stratégie écosystème.
Les Builder Codes constituent un mécanisme standardisé d’accès et d’identification qui permet aux développeurs tiers d’intégrer sans friction leurs applications frontend — terminaux de trading ou bots Telegram — à l’order book, aux marchés et aux pools de liquidité Polymarket. Les développeurs utilisent des codes uniques pour gérer le routage des ordres et le tracking des transactions, conservant la relation avec leurs utilisateurs et leur marque tout en profitant d’une profondeur de marché commune. Ainsi, tout développeur peut bâtir rapidement des applications prédictives sur mesure, fondées sur les capacités backend de Polymarket.
Le lancement des Builder Codes marque un basculement fondamental : Polymarket cesse d’être une « super app » monolithique pour devenir une infrastructure ouverte à l’ensemble des développeurs. L’innovation ne sera plus le monopole de l’équipe officielle, mais sera portée par tout l’écosystème : chacun pourra exploiter la robustesse de l’infrastructure Polymarket pour créer des applications frontend adaptées à des besoins d’utilisateurs spécifiques. En retour, ces applications servent de canaux pour diffuser davantage les marchés Polymarket.
Ce modèle ouvert s’inscrit dans une tendance sectorielle, à l’image du « Builder model » d’Hyperliquid. Ce protocole on-chain perpétuel utilise également des Builder Codes pour diversifier les frontends et tracer les flux de transaction. Si leurs cibles diffèrent, les deux approches convergent : passer du « faire soi-même » à la co-construction écosystémique.
La transition de Polymarket d’une plateforme à un écosystème n’est pas un choix opportuniste, mais la réponse nécessaire à des blocages structurels internes et sectoriels. Pour comprendre la logique des Builder Codes, il faut d’abord saisir l’impossibilité de résoudre certains problèmes dans un modèle plateforme unique.
Dans un modèle centralisé, les marchés prédictifs font face à plusieurs contradictions majeures :
Ces blocages ne sont pas insurmontables. Ils forment, au contraire, le moteur de la transition des marchés prédictifs vers des écosystèmes ouverts. Le lancement des Builder Codes par Polymarket est un choix stratégique aligné sur cette évolution, exploitant ses atouts propres.
Contrairement à certains marchés prédictifs totalement off-chain ou reposant sur des APIs, Polymarket adopte un modèle hybride : la correspondance des ordres est réalisée off-chain pour optimiser l’efficacité et les coûts, tandis que la finalisation des transactions intervient sur Polygon. Le règlement on-chain garantit l’immutabilité et la non-custodie, les ordres étant exécutés par messages signés, ce qui réduit les risques de confiance inhérents aux plateformes centralisées tout en assurant la propriété des actifs. Cela fait de l’order book et de la liquidité Polymarket une « infrastructure publique » fiable et programmable, base technique de l’écosystème : les développeurs tiers peuvent accéder à la liquidité via les Builder Codes, sans autorisation préalable. Cela abaisse considérablement la barrière à l’intégration et accélère le développement d’applications variées.
Ⅱ : Volume hebdomadaire par catégorie sur Polymarket
Polymarket a atteint un développement équilibré sur la prédiction d’événements, avec un accent sur politique, sport et crypto, tandis que culture et esport progressent rapidement. Sa valeur est avérée sur divers types d’événements et sa base utilisateur s’étend du public crypto-natif à des audiences mainstream. Chaque type d’événement attire de nouveaux utilisateurs aux besoins spécifiques, ce qui rend une interface unique pensée pour les crypto-natifs insuffisante. Le marché segmente naturellement la demande, ouvrant la voie à des frontends verticaux adaptés à des usages ou groupes précis, suscitant l’intérêt de développeurs externes pour combler ces besoins.
Polymarket ne prélève ni frais de transaction ni token natif, mais les Builder Codes n’interdisent pas aux développeurs tiers de facturer des frais ou d’émettre leurs propres tokens. Parmi la dizaine de Builders Polymarket, certains facturent des frais de 0,5 à 2 % et ont lancé leur propre token. Bon nombre utilisent une partie des revenus pour racheter leur token. L’équipe officielle a également mis en place un dashboard de suivi et investi plus d’1 million de dollars en grants pour soutenir les meilleurs Builders.
Ⅲ : Part de marché du volume d’échange
Malgré son avantage de pionnier, Polymarket subit la pression de concurrents centralisés et conformes comme Kalshi, ainsi que de protocoles émergents comme Opinion. Un écosystème ouvert permet à Polymarket d’opposer la diversité de son réseau à la profondeur de produits concurrents, faisant passer la compétition du « équipe contre équipe » à « écosystème contre écosystème ». Polymarket bâtit des alliances avec des acteurs majeurs comme Twitter ou Google, mobilisant son réseau développeurs, utilisateurs et alliances communautaires pour renforcer ses avantages compétitifs.
Les Builder Codes sont bien plus que de simples interfaces techniques : ils constituent l’élément central et catalyseur de l’écosystème, tirant parti des atouts de Polymarket pour répondre aux blocages utilisateurs et à la concurrence.
Les Builders Polymarket servent de canaux de distribution et de pools de liquidité mutualisés. Toute application tierce autorisée — terminal pro, appli mobile simplifiée ou chatbot communautaire — accède directement à l’order book et à la liquidité Polymarket. Cela signifie :
Pour les marchés de niche : les marchés peu exposés sur le frontend officiel peuvent désormais toucher des publics spécifiques via des frontends verticaux multiples, réactivant la liquidité existante et luttant contre la concentration naturelle.
La prédiction comme service
Les Builder Codes permettent d’intégrer la fonction « prédiction » partout en ligne, donnant naissance à un modèle prediction-as-a-service.
L’écosystème Polymarket se structure en : arbitrage backend (UMA Oracle), middleware (APIs), applications frontend (terminaux, bots Telegram tels que Trading Bots) et émergents (agents IA).
Le processus UMA Oracle : lorsqu’un smart contract exige une donnée réelle, tout utilisateur peut proposer une valeur en déposant une caution. D’autres peuvent la contester dans un délai imparti. En cas de litige, les détenteurs de tokens UMA votent sous 48h pour trancher. Dans Polymarket, à l’échéance de l’événement, UMA Oracle détermine le résultat final. Sans contestation, le règlement est automatique. UMA Oracle permet d’arbitrer des événements variés à faible coût, sans dépendre d’une autorité centralisée.
Mais l’arbitrage sans controverse reste débattu. Certains recourent à l’arbitrage manuel, d’autres à l’IA. Bien qu’UMA Oracle soit robuste, il a suscité des controverses, que ce soit sur des événements objectifs ou subjectifs. Le problème majeur reste la possibilité de manipulation du vote par des whales, mettant en jeu des montants importants sur une faible capitalisation token.
Ⅳ : Vue d’ensemble de l’écosystème Polymarket
Le middleware relie l’infrastructure aux applications utilisateurs et enrichit l’écosystème en données et interactions. Sont apparus de nombreux outils d’analyse de données, tels que Polymarket Analytics, Polysights, PolyInsider, transformant les données brutes en insights utilisables. Plus de 170 outils sont recensés, couvrant 19 catégories.
Les applications frontend sont la partie la plus dynamique et visible de l’écosystème. S’appuyant sur l’infrastructure partagée, elles proposent des interfaces adaptées à chaque segment, du trader pro à l’utilisateur occasionnel. Depuis l’arrivée des Builder Codes, ces applications sont traçables et interconnectées. Les bots Telegram et terminaux sont devenus les composants les plus actifs de l’écosystème Polymarket.
Les agents IA s’intègrent en : (1) outils d’aide à la décision (ex : Polytale, qui indexe des milliers de marchés et fournit analyses et recommandations par langage naturel), (2) traders autonomes (bots avec règles conditionnelles pour trading automatisé, ou IA prenant des décisions prédictives en temps réel).
Ⅴ : Volume hebdomadaire des Polymarket Builders
Les Trading Bots sont le segment le plus mature et structuré de Polymarket. Les Builder Codes sont un moteur de croissance sur mesure. La dizaine de Builders génère plus de 20 millions de dollars par semaine, soit près de 2,5 % du volume Polymarket. Betmoar est le premier Bot à dépasser 50 millions de dollars de volume en un mois après le lancement des Builder Codes, et détient plus de 70 % de part de marché.
Betmoar ne facilite pas seulement le trading, mais guide les utilisateurs vers les meilleures opportunités via un tableau de bord. Quatre sections principales : Movers (marchés volatils ou à fort volume sur 1h, 6h, 24h), Bonds (événements proches de l’échéance à potentiel spéculatif), Disputes (marchés en arbitrage), Comments (agrégation des commentaires/activités pour jauger le sentiment communautaire). Betmoar est intégré à plus de 40 serveurs Discord (53 000+ utilisateurs) et pilotable par commandes bots, ce qui en fait un frontend socialisé, renforçant fidélité et activité.
Ⅵ : Classement utilisateurs des Polymarket Builders
Betmoar domine en volume mais non en nombre d’utilisateurs. Polycule détient la deuxième communauté, et a été le premier Bot Telegram à lever des fonds (AllianceDAO). Polycule se démarque par la conversion Solana/Polygon intégrée et l’automatisation complète par commandes Telegram (consultation, ordres, gestion, partage de profits). Il a aussi été pionnier du copy-trading, soutenu par Polymarket Analytics.
Polycule est aussi l’un des rares Trading Bots à prélever des frais (0,5 % sur les rachats), convertissant le volume en revenus et en valorisation token. Depuis l’activation des frais en juin 2025, Polycule a généré plus de 56 000 dollars de revenus, dont une partie a servi à racheter 0,34 % du supply token. L’équipe a ensuite recentré ses efforts sur un nouveau marché Solana, et Polycule a été rebrandé en PMX Trade.
Avec les Builder Codes, les applications frontend — terminaux et bots Telegram — sont devenues le pôle de croissance le plus actif de l’écosystème Polymarket. Mais sous cette vitalité, l’écosystème doit affronter des défis : base utilisateurs limitée, concurrence accrue, déséquilibres entre volume et communauté. Ces cas illustrent la transition de l’adoption précoce vers une prospérité durable, riche en opportunités mais aussi en défis.
L’opportunité clé pour l’écosystème Polymarket réside dans la croissance conjointe avec la plateforme mère et le marché prédictif global, ainsi que dans un potentiel de croissance considérable — de plusieurs à dix fois — au vu de la faible pénétration actuelle (moins de 3 % du volume via les Builders, moins de 1 % pour les plateformes à frais). Cela montre que la majorité des utilisateurs privilégie encore le frontend officiel, et que la monétisation de l’écosystème n’en est qu’à ses débuts.
L’expérience d’écosystèmes similaires éclaire l’avenir des Polymarket Builders : sur Hyperliquid, les Builders représentent déjà 10-20 % du volume et génèrent des revenus stables. Dans le secteur du trading Meme, les terminaux professionnels captent une part majeure du trafic. Ces deux modèles prouvent qu’un écosystème tiers actif peut capter au moins 10-20 % du volume de la plateforme sous-jacente.
Après avoir détaillé la structure de l’écosystème Polymarket, il est indispensable de le placer dans le contexte concurrentiel global. La comparaison avec des solutions similaires permet d’en évaluer la position, le potentiel et les défis spécifiques.
Contrairement à la stratégie crypto-native de Polymarket axée sur l’ouverture, Kalshi, leader conforme, a choisi d’exploiter la force de frappe de Robinhood pour toucher des millions d’utilisateurs finance traditionnelle et accélérer sa croissance.
Le Prediction Market Hub de Robinhood, lancé en mars, s’appuie sur Kalshi (bourse régulée) pour l’infrastructure. La collaboration a d’abord porté sur la politique et l’économie, puis sur le sport (NFL, universitaire), puis sur l’entertainment/pop culture. Lors du T2, Robinhood a traité 1 milliard $ de volume notionnel, générant environ 10 millions $ de revenus (0,01 $ de commission par contrat).
Ⅶ : Volume hebdomadaire Kalshi
Au T3, Robinhood franchit 100 millions $ de revenus annualisés, avec 2,3 milliards de contrats échangés (23 millions $ de revenus). En octobre 2025, 2,5 milliards de contrats sont échangés pour 25 millions $ — soit plus que l’ensemble du T3. Kalshi atteint alors 4,4 milliards $ de volume notionnel, Robinhood assurant plus de la moitié de la distribution.
L’alliance Kalshi/Robinhood repose sur la complémentarité contenu conforme/distribution massive. Pour Kalshi, c’est l’accès à plus de 26,8 millions de clients, réduisant ses coûts d’acquisition. Pour Robinhood, c’est une étape clé vers la « super app », diversifiant son offre et dynamisant l’engagement.
Ⅷ : Polymarket vs Kalshi
La croissance de Kalshi par les canaux traditionnels surpasse largement celle de Polymarket dans la crypto. Ce modèle « conformité + canal mainstream » exerce une pression concurrentielle directe sur Polymarket.
Hyperliquid, leader du perpetual contract on-chain, sert de référence au système de Builders Polymarket. Si la logique écosystémique est similaire, les différences tiennent à leur segment de marché.
Techniquement, Hyperliquid encode les Builder codes dans les ordres on-chain, permettant un suivi facile via Explorer ou datafiles publics. Polymarket Builder fonctionne via API Keys et Relayer Client, donc off-chain, ce qui empêche la distinction native/on-chain des transactions.
Cette différence reflète la logique produit : Hyperliquid privilégie vitesse, efficacité et effet de levier, avec des Builders adaptés. Polymarket cible l’accès à l’information, l’analyse et la participation simplifiée.
Ⅸ : Revenus quotidiens Hyperliquid Builders
L’écosystème Hyperliquid Builder a généré plus de 41 millions $ de revenus cumulés, traçant une feuille de route crédible pour Polymarket, notamment sur la monétisation. Cela encourage les Builders Polymarket à développer leurs propres modèles économiques.
Au-delà des concurrents directs, Polymarket et son écosystème affrontent aussi la concurrence sectorielle du trading Meme, en compétition sur l’attention et les capitaux des utilisateurs.
Le terminal Meme Axiom est un rival potentiel majeur : il domine le segment sur Solana, conserve plus de 60 % de parts de marché et dispose d’une solide expérience écosystème. L’équipe Axiom a prouvé son efficacité d’intégration et d’animation d’écosystème. Si Axiom entrait sur le marché prédictif, il pourrait s’appuyer sur son architecture et sa base utilisateurs pour concurrencer rapidement les Builders Polymarket.
Même si le trading Meme et le marché prédictif ont des logiques différentes (vitesse et nouveauté vs analyse et probabilité), leur finalité converge : optimiser l’expérience utilisateur pour attirer et fidéliser. La compétition se joue autant sur le trafic que sur la qualité UX et la rapidité de développement. Axiom est un challenger intersectoriel à surveiller pour les Polymarket Builders.
Les marchés prédictifs abordent un tournant. Leur compétitivité tient autant à la captation de la liquidité/utilisateurs qu’à la construction d’un écosystème vivant et auto-évolutif. Le choix de Polymarket d’ouvrir son écosystème via les Builder Codes est stratégique : il fait évoluer le marché prédictif d’un modèle plateforme unique vers un réseau ouvert évolutif.
Cependant, l’ouverture ne garantit pas la réussite. Les effets de réseau prennent du temps, la concurrence est immédiate. L’alliance Kalshi/Robinhood a permis à Kalshi d’accélérer massivement sa base utilisateurs et de s’imposer comme rival. Ce modèle « contenu conforme + canal géant » est une menace concrète, surtout quand les marchés prédictifs sont intégrés dans des apps brokers avec règlement fiat : barrières d’accès réduites, portée accrue, conversion rapide.
À court terme, l’écosystème Polymarket en est à ses débuts : les Builders représentent moins de 3 % du volume, la monétisation n’est pas mature, les habitudes restent concentrées sur le frontend officiel et l’ensemble doit encore mûrir. Par ailleurs, si l’utilisation d’UMA Oracle apporte des avantages de coût et de décentralisation, les controverses passées révèlent des vulnérabilités potentielles. À mesure que l’écosystème croît, des problèmes persistants avec l’oracle ou le vote pourraient déclencher des crises de confiance.
Cependant, comme l’a montré le succès d’Hyperliquid Builders, l’apparition d’effets réseau enclenche une dynamique de croissance auto-entretenue. À long terme, Polymarket Builders peut devenir « l’App Store » du marché prédictif, rassemblant frontends verticaux et applications innovantes, propulsant Polymarket d’un outil financier à une infrastructure sociale. Ce chemin ne sera pas sans obstacles, mais il ouvre des perspectives immenses et une profondeur concurrentielle durable.
Avertissement
L’investissement en cryptomonnaies comporte des risques élevés. Il est recommandé aux utilisateurs d’effectuer leurs propres recherches et de bien comprendre la nature des actifs et produits avant toute décision d’investissement. Gate décline toute responsabilité en cas de pertes ou dommages résultant de telles décisions d’investissement.





