Le 15 décembre, ce géant mondial des paiements avec 4,3 milliards d’utilisateurs actifs a officiellement soumis une demande à la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et au Département des institutions financières de l’Utah, pour créer une banque industrielle (ILC) nommée « PayPal Bank ».
Cependant, seulement trois mois plus tôt, le 24 septembre, PayPal annonçait un accord majeur : vendre un portefeuille de prêts « achat immédiat, paiement différé » d’une valeur allant jusqu’à 7 milliards de dollars à la société de gestion d’actifs Blue Owl.
Lors de cette conférence téléphonique, le directeur financier Jamie Miller insistait fermement auprès de Wall Street que la stratégie de PayPal était de « maintenir un bilan léger », afin de libérer du capital et d’améliorer l’efficacité.
Ces deux actions semblent contradictoires : d’un côté, la recherche de « légèreté », de l’autre, la demande d’une licence bancaire. Il faut savoir que faire banque est l’un des business les plus « lourds » au monde : il faut verser d’énormes garanties, se soumettre à une réglementation très stricte, et assumer soi-même le risque de dépôts et de prêts.
Derrière cette décision ambivalente se cache sûrement un compromis imposé par une urgence ou une nécessité. Ce n’est pas une simple expansion commerciale, mais plutôt une opération de prise d’assaut des lignes rouges réglementaires.
La raison officielle avancée par PayPal pour ouvrir une banque est « fournir des prêts à moindre coût aux petites entreprises », mais cette justification ne tient pas la moindre seconde.
Les données montrent qu’en 2013, PayPal a déjà accordé plus de 30 milliards de dollars de prêts à 420 000 petites entreprises dans le monde. Autrement dit, en 12 ans sans licence bancaire, PayPal a continué à faire prospérer son activité de prêt. Alors, pourquoi vouloir à tout prix obtenir une licence bancaire maintenant ?
Pour répondre, il faut d’abord clarifier : à qui appartiennent réellement ces 300 milliards de dollars de prêts ?
Prêter, PayPal n’est qu’un « sous-locataire »
Les chiffres de prêt dans le communiqué officiel de PayPal sont séduisants, mais un fait essentiel est souvent flouté : chaque prêt de ces 300 milliards n’est pas réellement accordé par PayPal, mais par une banque située à Salt Lake City, dans l’Utah — WebBank.
La plupart des gens n’ont probablement jamais entendu parler de WebBank. Cette banque est extrêmement mystérieuse : elle ne possède pas de succursales pour les consommateurs, ne fait pas de publicité, et son site web est très minimaliste. Pourtant, dans l’ombre de la fintech américaine, c’est un géant incontournable.
Les programmes Working Capital et Business Loan de PayPal, le service de paiement échelonné Affirm, la plateforme de prêts personnels Upgrade, tous reposent sur WebBank comme prêteur.
Cela concerne un modèle commercial appelé « Banking as a Service (BaaS) » : PayPal s’occupe de l’acquisition client, de la gestion du risque, de l’expérience utilisateur, tandis que WebBank fournit simplement la licence bancaire.
Pour faire simple, PayPal n’est qu’un « sous-locataire » : le vrai titre de propriété appartient à WebBank.
Pour une entreprise technologique comme PayPal, c’était une solution parfaite : obtenir une licence bancaire est difficile, lent, coûteux, et demander une licence dans chaque État américain est un cauchemar administratif. Louer la licence de WebBank, c’est comme une voie VIP rapide.
Mais, faire du « sous-locatif » comporte un risque majeur : le propriétaire peut à tout moment ne plus louer, ou même vendre ou démolir la propriété.
En avril 2024, un événement inattendu a glacé le dos de toutes les fintech américaines : la faillite soudaine de Synapse, une société intermédiaire BaaS. Plus de 100 000 utilisateurs ont vu 265 millions de dollars gelés, et 96 millions de dollars ont disparu sans laisser de trace, certains ayant perdu toutes leurs économies.
Ce drame a révélé une faille majeure du modèle « sous-locataire » : si un maillon de la chaîne lâche, la confiance des utilisateurs, durement bâtie, peut s’effondrer en une nuit. Les régulateurs ont alors commencé à durcir leur contrôle sur le modèle BaaS : plusieurs banques ont été sanctionnées ou limitées pour non-conformité.
Pour PayPal, même si la banque partenaire est WebBank et non Synapse, la logique de risque est la même. Si WebBank rencontre un problème, le business de prêt de PayPal s’effondre ; si WebBank modifie ses conditions, PayPal n’a aucun pouvoir de négociation ; si les régulateurs exigent un resserrement, PayPal doit accepter passivement. C’est le dilemme du « sous-locataire » : faire des affaires, mais dépendre entièrement d’un autre.
Au-delà, une tentation plus brute pousse la direction à agir : la rentabilité explosive de l’époque des taux élevés.
Pendant une décennie de taux zéro, faire banque n’était pas un business sexy : la marge d’intérêt était trop faible. Mais aujourd’hui, la situation a changé radicalement.
Même si la Fed a commencé à baisser ses taux, le taux de référence américain reste autour de 4,5 %, un niveau historiquement élevé. Cela signifie que les dépôts eux-mêmes deviennent une mine d’or.
Regardons la situation embarrassante de PayPal : avec 4,3 milliards d’utilisateurs actifs, la plateforme détient un énorme fonds dormant. Cet argent repose dans les comptes PayPal des utilisateurs, et PayPal doit le déposer dans des banques partenaires.
Ces banques utilisent cet argent à faible coût pour acheter des obligations d’État américaines rapportant 5 %, ou pour prêter à des taux plus élevés, engrangeant des profits colossaux, tandis que PayPal ne touche qu’une petite part.
Si PayPal obtenait sa propre licence bancaire, il pourrait transformer ces fonds inactifs en dépôts à faible coût, puis acheter des obligations ou prêter, et garder toute la marge. Dans cette période de taux élevés, cela représenterait des dizaines de milliards de dollars de profits.
Mais, si l’objectif est simplement de se débarrasser de WebBank, PayPal aurait dû agir depuis longtemps. Pourquoi attendre 2025 ?
Il faut évoquer une autre source d’angoisse : la stabilité des stablecoins.
Émettre des stablecoins, PayPal reste un « sous-locataire »
Si la dépendance de PayPal à WebBank pour ses prêts est une simple perte de gains et une source d’inquiétude, dans le domaine des stablecoins, cette relation devient une véritable crise existentielle.
En 2025, le stablecoin PYUSD de PayPal connaît une croissance explosive : sa capitalisation a triplé en trois mois, atteignant 3,8 milliards de dollars, et YouTube a annoncé en décembre l’intégration du paiement en PYUSD.
Mais derrière ces succès, un fait que PayPal ne met pas en avant dans ses communiqués : PYUSD n’est pas émis par PayPal lui-même, mais en partenariat avec Paxos, une société basée à New York.
C’est encore une histoire de « marque blanche » : PayPal n’est qu’un marqueur, une autorisation de marque, comme Nike qui ne fabrique pas ses chaussures mais confie la production à des sous-traitants.
Autrefois, c’était une division du travail : PayPal contrôlait la marque et le flux, Paxos assurait la conformité et l’émission. Chacun faisait sa part.
Mais, le 12 décembre 2025, cette division a commencé à se dégrader. L’Office of the Comptroller of the Currency (OCC) a accordé à Paxos et à d’autres institutions une « approbation conditionnelle » pour une licence de « trust national » (trust bank).
Ce n’est pas une banque commerciale classique, capable de recevoir des dépôts et d’être assurée par la FDIC, mais cela signifie que Paxos évolue vers une entité émettrice officielle, avec un numéro d’enregistrement, prête à apparaître sur la scène.
En intégrant le cadre du « GENIUS Act », on comprend pourquoi PayPal est si pressé : la loi autorise les banques réglementées à émettre des stablecoins via leurs filiales, et le droit d’émission et la chaîne de profits se concentrent de plus en plus entre les mains des « titulaires de licence ».
Autrefois, PayPal pouvait considérer le stablecoin comme un module externalisé. Mais si le fournisseur devient une entité réglementée plus forte, il ne sera plus seulement un sous-traitant, mais aussi un partenaire alternatif, voire un concurrent potentiel.
Le problème de PayPal, c’est qu’il ne contrôle ni la plateforme d’émission, ni le statut réglementaire.
L’avancée de USDC, la délivrance de licences trust par l’OCC, lui rappellent une chose : dans cette guerre des stablecoins, ce n’est pas la première étape qui compte, mais la capacité à maîtriser l’émission, la garde, la compensation et la conformité.
Donc, plutôt que de vouloir faire une banque, PayPal construit une « entrée » : sans cela, il restera à l’extérieur, à jamais.
Ce qui est encore plus critique, c’est que le stablecoin menace directement le cœur de métier de PayPal.
Le business le plus rentable de PayPal, c’est le paiement en e-commerce, avec une marge de 2,29 à 3,49 % par transaction. Mais la logique du stablecoin est totalement différente : il ne prélève presque pas de frais, et gagne sa vie avec les intérêts sur la trésorerie déposée dans des obligations d’État.
Quand Amazon acceptera USDC, quand Shopify intégrera le paiement en stablecoin, les commerçants seront confrontés à une question simple : pourquoi payer 2,5 % de commission à PayPal si l’on peut utiliser un stablecoin à coût quasi nul ?
Aujourd’hui, plus de la moitié du chiffre d’affaires de PayPal provient du paiement en ligne. Ces deux dernières années, sa part de marché est passée de 54,8 % à 40 %. Si PayPal ne maîtrise pas la stabilité de ses stablecoins, sa « muraille » commerciale sera totalement détruite.
La situation actuelle de PayPal ressemble à celle d’Apple lors du lancement de son service Apple Pay Later en 2024. Sans licence bancaire, Apple était dépendant de Goldman Sachs, et a fini par abandonner cette activité pour se concentrer sur ses produits matériels, son cœur de métier. Apple peut se permettre de reculer, car la finance n’est qu’un bonus, le hardware reste sa force.
Mais PayPal n’a pas cette option.
Il n’a ni téléphone, ni système d’exploitation, ni écosystème hardware. La finance est tout ce qu’il a, c’est sa seule réserve. La retraite d’Apple était une stratégie de contraction. Si PayPal tente de reculer, il risque la mort.
Il doit donc avancer. Obtenir cette licence bancaire, c’est reprendre le contrôle de l’émission, de la gestion et des profits du stablecoin.
Mais, ouvrir une banque aux États-Unis n’est pas une mince affaire. Surtout pour une société technologique avec 7 milliards de dollars d’actifs de prêt, dont l’approbation réglementaire est extrêmement difficile.
Pour obtenir ce précieux sésame, PayPal a donc élaboré une opération de magie financière sophistiquée.
La sortie stratégique de PayPal
Revenons à la contradiction évoquée au début.
Le 24 septembre, PayPal annonçait vendre ses 7 milliards de dollars de prêts « achat immédiat, paiement différé » à Blue Owl, en déclarant vouloir « alléger » ses actifs. La plupart des analystes pensaient que c’était pour embellir les résultats financiers, en améliorant la visibilité du cash-flow.
Mais si l’on met cette opération en parallèle avec la demande de licence bancaire trois mois plus tard, on voit que ce n’est pas une contradiction, mais une manœuvre habile.
Sans cette vente de 7 milliards, la demande de licence bancaire aurait peu de chances d’aboutir.
Pourquoi ? Parce qu’aux États-Unis, obtenir une licence bancaire nécessite de passer une « inspection » très rigoureuse : la régulation (FDIC) a une règle appelée « ratio de capitalisation ».
Elle est simple : plus votre bilan comporte d’actifs à haut risque (prêts, par exemple), plus vous devez déposer de garanties pour couvrir ces risques.
Imaginez : si PayPal se présente à la FDIC avec 7 milliards de dollars de prêts, le régulateur verra immédiatement ce poids : « Si vous avez autant d’actifs risqués, que se passe-t-il en cas de défaillance ? Avez-vous assez de fonds pour couvrir ? » Cela pourrait entraîner un refus d’agrément, ou une exigence de garanties astronomiques.
C’est pourquoi PayPal doit d’abord faire un « nettoyage » en amont.
Ce que l’on appelle dans le jargon financier une « opération de délocalisation » ou « sale-and-lease-back » : PayPal transfère ses nouveaux prêts (les « billets » déjà émis) et leur risque de défaut à Blue Owl, tout en conservant la gestion et la relation client, c’est-à-dire la « machine à créer de l’argent ».
Pour l’utilisateur, rien ne change : il continue d’emprunter à PayPal, de rembourser dans l’app, tout reste identique. Mais dans le rapport de la FDIC, le bilan de PayPal devient instantanément beaucoup plus propre, plus léger.
Grâce à cette opération, PayPal change d’identité : il passe d’un prêteur lourdement exposé au risque de défaillance, à un simple prestataire de services sans risque.
Ce type de transfert d’actifs, pour passer la régulation, n’est pas inédit à Wall Street, mais le faire à une telle échelle, avec une telle détermination, est exceptionnel. Cela montre la volonté ferme de la direction de PayPal : même si elle doit partager ses profits (intérêts sur prêts), elle préfère obtenir une « carte d’entrée » plus durable.
Mais cette fenêtre d’opportunité se ferme vite. La course contre la montre est engagée : la « porte dérobée » que PayPal espérait exploiter est en train de se refermer, voire d’être soudée.
La porte dérobée qui se ferme
La licence que PayPal demande s’appelle « Industrial Loan Company » (ILC). Si vous n’êtes pas un professionnel de la finance, vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Mais c’est une des entités les plus étranges, et les plus convoitées, du système de régulation américain.
Voici la liste des entreprises possédant une licence ILC : BMW, Toyota, Harley-Davidson, Target…
Vous vous demandez : pourquoi ces vendeurs de voitures ou d’épicerie veulent-ils ouvrir une banque ?
C’est là toute la magie de l’ILC. C’est une « faille réglementaire » unique aux États-Unis, issue de la loi de 1987 sur la « concurrence équitable » (CEBA). Bien que son nom évoque l’égalité, cette loi a laissé un privilège très inégal : elle exonère la société mère de l’ILC de l’obligation d’être une « holding bancaire » enregistrée.
Une banque classique doit être régulée par la Fed, avec une supervision intégrale. Mais une ILC, détenue par une société non financière, n’est pas sous la coupe de la Fed, mais uniquement de la FDIC et du régulateur de l’Utah.
Cela permet de bénéficier à la fois des privilèges d’une banque (collecte de dépôts, accès au système de paiement fédéral), tout en évitant la surveillance stricte de la Fed.
C’est ce qu’on appelle une « arbitrage réglementaire ». Et ce qui est encore plus séduisant, c’est la possibilité de « diversification » : la verticalité de la chaîne industrielle, comme BMW ou Harley-Davidson, qui intègrent leur propre banque.
BMW Bank n’a pas besoin de guichet physique : ses services sont intégrés dans le processus d’achat de voiture. Lorsqu’un client achète une BMW, le système de vente se connecte automatiquement à la banque de BMW pour le prêt.
Pour BMW, cela signifie à la fois réaliser une marge sur la vente, et capter les intérêts du crédit. Harley-Davidson, c’est pareil : sa banque peut même prêter à des motards rejetés par les banques classiques, car Harley connaît bien ses clients, et leur taux de défaillance est très faible.
C’est la vision ultime que rêve d’atteindre PayPal : faire du paiement d’un côté, de la banque de l’autre, avec la stabilité du stablecoin, sans laisser entrer d’acteurs extérieurs.
Vous vous demandez sûrement : si cette faille est si avantageuse, pourquoi Walmart ou Amazon ne demandent pas leur propre licence, et ne créent pas leur propre banque ?
Parce que le secteur bancaire traditionnel en a horreur.
Les banquiers considèrent que laisser des géants du numérique, avec leurs données massives, ouvrir une banque, c’est une défaite pour eux : une « réduction de dimension » du secteur. En 2005, Walmart avait tenté d’obtenir une ILC, mais cela avait provoqué une révolte générale dans le secteur bancaire américain. La fédération bancaire a fait pression sur le Congrès, arguant que si Walmart utilisait ses données pour offrir des prêts à ses clients, cela tuerait les banques de proximité.
Sous la pression de l’opinion, Walmart a finalement retiré sa demande en 2007. Cet épisode a marqué le début d’un « gel » réglementaire sur l’ILC : de 2006 à 2019, la FDIC n’a approuvé aucune nouvelle demande. Ce n’est qu’en 2020 que Square (rebaptisé Block) a réussi à faire bouger les choses.
Mais aujourd’hui, cette porte entrouverte risque de se refermer définitivement.
En juillet 2025, la FDIC a publié une consultation sur le cadre réglementaire des ILC, un signal fort de durcissement. Parallèlement, plusieurs propositions législatives sont en cours au Congrès.
Les acteurs se précipitent pour obtenir leur licence. En 2025, le nombre de demandes de licences bancaires aux États-Unis a atteint un sommet historique : 20 dossiers, dont 14 auprès de l’OCC, soit plus que les quatre années précédentes réunies.
Tout le monde sait que c’est la dernière chance. PayPal joue sa survie : si cette faille est définitivement fermée, il ne pourra plus jamais revenir en arrière.
La sortie de crise
La licence que PayPal vise est appelée « Industrial Loan Company » (ILC). Si vous n’êtes pas un spécialiste, vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Mais c’est une des entités les plus étranges, et les plus convoitées, du système de régulation américain.
Voici la liste des entreprises avec une licence ILC : BMW, Toyota, Harley-Davidson, Target…
Vous vous demandez : pourquoi ces vendeurs de voitures ou d’épicerie veulent-ils ouvrir une banque ?
C’est là toute la magie de l’ILC. C’est une « faille réglementaire » unique aux États-Unis, issue de la loi de 1987 sur la « concurrence équitable » (CEBA). Bien que son nom évoque l’égalité, cette loi a laissé un privilège très inégal : elle exonère la société mère de l’ILC de l’obligation d’être une « holding bancaire » enregistrée.
Une banque classique doit être régulée par la Fed, avec une supervision intégrale. Mais une ILC, détenue par une société non financière, n’est pas sous la coupe de la Fed, mais uniquement de la FDIC et du régulateur de l’Utah.
Cela permet de bénéficier à la fois des privilèges d’une banque (collecte de dépôts, accès au système de paiement fédéral), tout en évitant la surveillance stricte de la Fed.
C’est ce qu’on appelle une « arbitrage réglementaire ». Et ce qui est encore plus séduisant, c’est la possibilité de « diversification » : la verticalité de la chaîne industrielle, comme BMW ou Harley-Davidson, qui intègrent leur propre banque.
BMW Bank n’a pas besoin de guichet physique : ses services sont intégrés dans le processus d’achat de voiture. Lorsqu’un client achète une BMW, le système de vente se connecte automatiquement à la banque de BMW pour le prêt.
Pour BMW, cela signifie à la fois réaliser une marge sur la vente, et capter les intérêts du crédit. Harley-Davidson, c’est pareil : sa banque peut même prêter à des motards rejetés par les banques classiques, car Harley connaît bien ses clients, et leur taux de défaillance est très faible.
C’est la vision ultime que rêve d’atteindre PayPal : faire du paiement d’un côté, de la banque de l’autre, avec la stabilité du stablecoin, sans laisser entrer d’acteurs extérieurs.
Vous vous demandez sûrement : si cette faille est si avantageuse, pourquoi Walmart ou Amazon ne demandent pas leur propre licence, et ne créent pas leur propre banque ?
Parce que le secteur bancaire traditionnel en a horreur.
Les banquiers considèrent que laisser des géants du numérique, avec leurs données massives, ouvrir une banque, c’est une défaite pour eux : une « réduction de dimension » du secteur. En 2005, Walmart avait tenté d’obtenir une ILC, mais cela avait provoqué une révolte générale dans le secteur bancaire américain. La fédération bancaire a fait pression sur le Congrès, arguant que si Walmart utilisait ses données pour offrir des prêts à ses clients, cela tuerait les banques de proximité.
Sous la pression de l’opinion, Walmart a finalement retiré sa demande en 2007. Cet épisode a marqué le début d’un « gel » réglementaire sur l’ILC : de 2006 à 2019, la FDIC n’a approuvé aucune nouvelle demande. Ce n’est qu’en 2020 que Square (rebaptisé Block) a réussi à faire bouger les choses.
Mais aujourd’hui, cette porte entrouverte risque de se refermer définitivement.
En juillet 2025, la FDIC a publié une consultation sur le cadre réglementaire des ILC, un signal fort de durcissement. Parallèlement, plusieurs propositions législatives sont en cours au Congrès.
Les acteurs se précipitent pour obtenir leur licence. En 2025, le nombre de demandes de licences bancaires aux États-Unis a atteint un sommet historique : 20 dossiers, dont 14 auprès de l’OCC, soit plus que les quatre années précédentes réunies.
Tout le monde sait que c’est la dernière chance. PayPal joue sa survie : si cette faille est définitivement fermée, il ne pourra plus jamais revenir en arrière.
Briser la glace
Les licences que PayPal demande sont appelées « Industrial Loan Company » (ILC). Si vous n’êtes pas un professionnel de la finance, vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Mais c’est une des entités les plus étranges, et les plus convoitées, du système de régulation américain.
Voici la liste des entreprises possédant une licence ILC : BMW, Toyota, Harley-Davidson, Target…
Vous vous demandez : pourquoi ces vendeurs de voitures ou d’épicerie veulent-ils ouvrir une banque ?
C’est là toute la magie de l’ILC. C’est une « faille réglementaire » unique aux États-Unis, issue de la loi de 1987 sur la « concurrence équitable » (CEBA). Bien que son nom évoque l’égalité, cette loi a laissé un privilège très inégal : elle exonère la société mère de l’ILC de l’obligation d’être une « holding bancaire » enregistrée.
Une banque classique doit être régulée par la Fed, avec une supervision intégrale. Mais une ILC, détenue par une société non financière, n’est pas sous la coupe de la Fed, mais uniquement de la FDIC et du régulateur de l’Utah.
Cela permet de bénéficier à la fois des privilèges d’une banque (collecte de dépôts, accès au système de paiement fédéral), tout en évitant la surveillance stricte de la Fed.
C’est ce qu’on appelle une « arbitrage réglementaire ». Et ce qui est encore plus séduisant, c’est la possibilité de « diversification » : la verticalité de la chaîne industrielle, comme BMW ou Harley-Davidson, qui intègrent leur propre banque.
BMW Bank n’a pas besoin de guichet physique : ses services sont intégrés dans le processus d’achat de voiture. Lorsqu’un client achète une BMW, le système de vente se connecte automatiquement à la banque de BMW pour le prêt.
Pour BMW, cela signifie à la fois réaliser une marge sur la vente, et capter les intérêts du crédit. Harley-Davidson, c’est pareil : sa banque peut même prêter à des motards rejetés par les banques classiques, car Harley connaît bien ses clients, et leur taux de défaillance est très faible.
C’est la vision ultime que rêve d’atteindre PayPal : faire du paiement d’un côté, de la banque de l’autre, avec la stabilité du stablecoin, sans laisser entrer d’acteurs extérieurs.
Vous vous demandez sûrement : si cette faille est si avantageuse, pourquoi Walmart ou Amazon ne demandent pas leur propre licence, et ne créent pas leur propre banque ?
Parce que le secteur bancaire traditionnel en a horreur.
Les banquiers considèrent que laisser des géants du numérique, avec leurs données massives, ouvrir une banque, c’est une défaite pour eux : une « réduction de dimension » du secteur. En 2005, Walmart avait tenté d’obtenir une ILC, mais cela avait provoqué une révolte générale dans le secteur bancaire américain. La fédération bancaire a fait pression sur le Congrès, arguant que si Walmart utilisait ses données pour offrir des prêts à ses clients, cela tuerait les banques de proximité.
Sous la pression de l’opinion, Walmart a finalement retiré sa demande en 2007. Cet épisode a marqué le début d’un « gel » réglementaire sur l’ILC : de 2006 à 2019, la FDIC n’a approuvé aucune nouvelle demande. Ce n’est qu’en 2020 que Square (rebaptisé Block) a réussi à faire bouger les choses.
Mais aujourd’hui, cette porte entrouverte risque de se refermer définitivement.
En juillet 2025, la FDIC a publié une consultation sur le cadre réglementaire des ILC, un signal fort de durcissement. Parallèlement, plusieurs propositions législatives sont en cours au Congrès.
Les acteurs se précipitent pour obtenir leur licence. En 2025, le nombre de demandes de licences bancaires aux États-Unis a atteint un sommet historique : 20 dossiers, dont 14 auprès de l’OCC, soit plus que les quatre années précédentes réunies.
Tout le monde sait que c’est la dernière chance. PayPal joue sa survie : si cette faille est définitivement fermée, il ne pourra plus jamais revenir en arrière.
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Vendre des actifs tout en tentant de décrocher une licence bancaire : que cherche vraiment PayPal ?
Auteur : Sleepy.txt
PayPal va ouvrir une banque.
Le 15 décembre, ce géant mondial des paiements avec 4,3 milliards d’utilisateurs actifs a officiellement soumis une demande à la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et au Département des institutions financières de l’Utah, pour créer une banque industrielle (ILC) nommée « PayPal Bank ».
Cependant, seulement trois mois plus tôt, le 24 septembre, PayPal annonçait un accord majeur : vendre un portefeuille de prêts « achat immédiat, paiement différé » d’une valeur allant jusqu’à 7 milliards de dollars à la société de gestion d’actifs Blue Owl.
Lors de cette conférence téléphonique, le directeur financier Jamie Miller insistait fermement auprès de Wall Street que la stratégie de PayPal était de « maintenir un bilan léger », afin de libérer du capital et d’améliorer l’efficacité.
Ces deux actions semblent contradictoires : d’un côté, la recherche de « légèreté », de l’autre, la demande d’une licence bancaire. Il faut savoir que faire banque est l’un des business les plus « lourds » au monde : il faut verser d’énormes garanties, se soumettre à une réglementation très stricte, et assumer soi-même le risque de dépôts et de prêts.
Derrière cette décision ambivalente se cache sûrement un compromis imposé par une urgence ou une nécessité. Ce n’est pas une simple expansion commerciale, mais plutôt une opération de prise d’assaut des lignes rouges réglementaires.
La raison officielle avancée par PayPal pour ouvrir une banque est « fournir des prêts à moindre coût aux petites entreprises », mais cette justification ne tient pas la moindre seconde.
Les données montrent qu’en 2013, PayPal a déjà accordé plus de 30 milliards de dollars de prêts à 420 000 petites entreprises dans le monde. Autrement dit, en 12 ans sans licence bancaire, PayPal a continué à faire prospérer son activité de prêt. Alors, pourquoi vouloir à tout prix obtenir une licence bancaire maintenant ?
Pour répondre, il faut d’abord clarifier : à qui appartiennent réellement ces 300 milliards de dollars de prêts ?
Prêter, PayPal n’est qu’un « sous-locataire »
Les chiffres de prêt dans le communiqué officiel de PayPal sont séduisants, mais un fait essentiel est souvent flouté : chaque prêt de ces 300 milliards n’est pas réellement accordé par PayPal, mais par une banque située à Salt Lake City, dans l’Utah — WebBank.
La plupart des gens n’ont probablement jamais entendu parler de WebBank. Cette banque est extrêmement mystérieuse : elle ne possède pas de succursales pour les consommateurs, ne fait pas de publicité, et son site web est très minimaliste. Pourtant, dans l’ombre de la fintech américaine, c’est un géant incontournable.
Les programmes Working Capital et Business Loan de PayPal, le service de paiement échelonné Affirm, la plateforme de prêts personnels Upgrade, tous reposent sur WebBank comme prêteur.
Cela concerne un modèle commercial appelé « Banking as a Service (BaaS) » : PayPal s’occupe de l’acquisition client, de la gestion du risque, de l’expérience utilisateur, tandis que WebBank fournit simplement la licence bancaire.
Pour faire simple, PayPal n’est qu’un « sous-locataire » : le vrai titre de propriété appartient à WebBank.
Pour une entreprise technologique comme PayPal, c’était une solution parfaite : obtenir une licence bancaire est difficile, lent, coûteux, et demander une licence dans chaque État américain est un cauchemar administratif. Louer la licence de WebBank, c’est comme une voie VIP rapide.
Mais, faire du « sous-locatif » comporte un risque majeur : le propriétaire peut à tout moment ne plus louer, ou même vendre ou démolir la propriété.
En avril 2024, un événement inattendu a glacé le dos de toutes les fintech américaines : la faillite soudaine de Synapse, une société intermédiaire BaaS. Plus de 100 000 utilisateurs ont vu 265 millions de dollars gelés, et 96 millions de dollars ont disparu sans laisser de trace, certains ayant perdu toutes leurs économies.
Ce drame a révélé une faille majeure du modèle « sous-locataire » : si un maillon de la chaîne lâche, la confiance des utilisateurs, durement bâtie, peut s’effondrer en une nuit. Les régulateurs ont alors commencé à durcir leur contrôle sur le modèle BaaS : plusieurs banques ont été sanctionnées ou limitées pour non-conformité.
Pour PayPal, même si la banque partenaire est WebBank et non Synapse, la logique de risque est la même. Si WebBank rencontre un problème, le business de prêt de PayPal s’effondre ; si WebBank modifie ses conditions, PayPal n’a aucun pouvoir de négociation ; si les régulateurs exigent un resserrement, PayPal doit accepter passivement. C’est le dilemme du « sous-locataire » : faire des affaires, mais dépendre entièrement d’un autre.
Au-delà, une tentation plus brute pousse la direction à agir : la rentabilité explosive de l’époque des taux élevés.
Pendant une décennie de taux zéro, faire banque n’était pas un business sexy : la marge d’intérêt était trop faible. Mais aujourd’hui, la situation a changé radicalement.
Même si la Fed a commencé à baisser ses taux, le taux de référence américain reste autour de 4,5 %, un niveau historiquement élevé. Cela signifie que les dépôts eux-mêmes deviennent une mine d’or.
Regardons la situation embarrassante de PayPal : avec 4,3 milliards d’utilisateurs actifs, la plateforme détient un énorme fonds dormant. Cet argent repose dans les comptes PayPal des utilisateurs, et PayPal doit le déposer dans des banques partenaires.
Ces banques utilisent cet argent à faible coût pour acheter des obligations d’État américaines rapportant 5 %, ou pour prêter à des taux plus élevés, engrangeant des profits colossaux, tandis que PayPal ne touche qu’une petite part.
Si PayPal obtenait sa propre licence bancaire, il pourrait transformer ces fonds inactifs en dépôts à faible coût, puis acheter des obligations ou prêter, et garder toute la marge. Dans cette période de taux élevés, cela représenterait des dizaines de milliards de dollars de profits.
Mais, si l’objectif est simplement de se débarrasser de WebBank, PayPal aurait dû agir depuis longtemps. Pourquoi attendre 2025 ?
Il faut évoquer une autre source d’angoisse : la stabilité des stablecoins.
Émettre des stablecoins, PayPal reste un « sous-locataire »
Si la dépendance de PayPal à WebBank pour ses prêts est une simple perte de gains et une source d’inquiétude, dans le domaine des stablecoins, cette relation devient une véritable crise existentielle.
En 2025, le stablecoin PYUSD de PayPal connaît une croissance explosive : sa capitalisation a triplé en trois mois, atteignant 3,8 milliards de dollars, et YouTube a annoncé en décembre l’intégration du paiement en PYUSD.
Mais derrière ces succès, un fait que PayPal ne met pas en avant dans ses communiqués : PYUSD n’est pas émis par PayPal lui-même, mais en partenariat avec Paxos, une société basée à New York.
C’est encore une histoire de « marque blanche » : PayPal n’est qu’un marqueur, une autorisation de marque, comme Nike qui ne fabrique pas ses chaussures mais confie la production à des sous-traitants.
Autrefois, c’était une division du travail : PayPal contrôlait la marque et le flux, Paxos assurait la conformité et l’émission. Chacun faisait sa part.
Mais, le 12 décembre 2025, cette division a commencé à se dégrader. L’Office of the Comptroller of the Currency (OCC) a accordé à Paxos et à d’autres institutions une « approbation conditionnelle » pour une licence de « trust national » (trust bank).
Ce n’est pas une banque commerciale classique, capable de recevoir des dépôts et d’être assurée par la FDIC, mais cela signifie que Paxos évolue vers une entité émettrice officielle, avec un numéro d’enregistrement, prête à apparaître sur la scène.
En intégrant le cadre du « GENIUS Act », on comprend pourquoi PayPal est si pressé : la loi autorise les banques réglementées à émettre des stablecoins via leurs filiales, et le droit d’émission et la chaîne de profits se concentrent de plus en plus entre les mains des « titulaires de licence ».
Autrefois, PayPal pouvait considérer le stablecoin comme un module externalisé. Mais si le fournisseur devient une entité réglementée plus forte, il ne sera plus seulement un sous-traitant, mais aussi un partenaire alternatif, voire un concurrent potentiel.
Le problème de PayPal, c’est qu’il ne contrôle ni la plateforme d’émission, ni le statut réglementaire.
L’avancée de USDC, la délivrance de licences trust par l’OCC, lui rappellent une chose : dans cette guerre des stablecoins, ce n’est pas la première étape qui compte, mais la capacité à maîtriser l’émission, la garde, la compensation et la conformité.
Donc, plutôt que de vouloir faire une banque, PayPal construit une « entrée » : sans cela, il restera à l’extérieur, à jamais.
Ce qui est encore plus critique, c’est que le stablecoin menace directement le cœur de métier de PayPal.
Le business le plus rentable de PayPal, c’est le paiement en e-commerce, avec une marge de 2,29 à 3,49 % par transaction. Mais la logique du stablecoin est totalement différente : il ne prélève presque pas de frais, et gagne sa vie avec les intérêts sur la trésorerie déposée dans des obligations d’État.
Quand Amazon acceptera USDC, quand Shopify intégrera le paiement en stablecoin, les commerçants seront confrontés à une question simple : pourquoi payer 2,5 % de commission à PayPal si l’on peut utiliser un stablecoin à coût quasi nul ?
Aujourd’hui, plus de la moitié du chiffre d’affaires de PayPal provient du paiement en ligne. Ces deux dernières années, sa part de marché est passée de 54,8 % à 40 %. Si PayPal ne maîtrise pas la stabilité de ses stablecoins, sa « muraille » commerciale sera totalement détruite.
La situation actuelle de PayPal ressemble à celle d’Apple lors du lancement de son service Apple Pay Later en 2024. Sans licence bancaire, Apple était dépendant de Goldman Sachs, et a fini par abandonner cette activité pour se concentrer sur ses produits matériels, son cœur de métier. Apple peut se permettre de reculer, car la finance n’est qu’un bonus, le hardware reste sa force.
Mais PayPal n’a pas cette option.
Il n’a ni téléphone, ni système d’exploitation, ni écosystème hardware. La finance est tout ce qu’il a, c’est sa seule réserve. La retraite d’Apple était une stratégie de contraction. Si PayPal tente de reculer, il risque la mort.
Il doit donc avancer. Obtenir cette licence bancaire, c’est reprendre le contrôle de l’émission, de la gestion et des profits du stablecoin.
Mais, ouvrir une banque aux États-Unis n’est pas une mince affaire. Surtout pour une société technologique avec 7 milliards de dollars d’actifs de prêt, dont l’approbation réglementaire est extrêmement difficile.
Pour obtenir ce précieux sésame, PayPal a donc élaboré une opération de magie financière sophistiquée.
La sortie stratégique de PayPal
Revenons à la contradiction évoquée au début.
Le 24 septembre, PayPal annonçait vendre ses 7 milliards de dollars de prêts « achat immédiat, paiement différé » à Blue Owl, en déclarant vouloir « alléger » ses actifs. La plupart des analystes pensaient que c’était pour embellir les résultats financiers, en améliorant la visibilité du cash-flow.
Mais si l’on met cette opération en parallèle avec la demande de licence bancaire trois mois plus tard, on voit que ce n’est pas une contradiction, mais une manœuvre habile.
Sans cette vente de 7 milliards, la demande de licence bancaire aurait peu de chances d’aboutir.
Pourquoi ? Parce qu’aux États-Unis, obtenir une licence bancaire nécessite de passer une « inspection » très rigoureuse : la régulation (FDIC) a une règle appelée « ratio de capitalisation ».
Elle est simple : plus votre bilan comporte d’actifs à haut risque (prêts, par exemple), plus vous devez déposer de garanties pour couvrir ces risques.
Imaginez : si PayPal se présente à la FDIC avec 7 milliards de dollars de prêts, le régulateur verra immédiatement ce poids : « Si vous avez autant d’actifs risqués, que se passe-t-il en cas de défaillance ? Avez-vous assez de fonds pour couvrir ? » Cela pourrait entraîner un refus d’agrément, ou une exigence de garanties astronomiques.
C’est pourquoi PayPal doit d’abord faire un « nettoyage » en amont.
Ce que l’on appelle dans le jargon financier une « opération de délocalisation » ou « sale-and-lease-back » : PayPal transfère ses nouveaux prêts (les « billets » déjà émis) et leur risque de défaut à Blue Owl, tout en conservant la gestion et la relation client, c’est-à-dire la « machine à créer de l’argent ».
Pour l’utilisateur, rien ne change : il continue d’emprunter à PayPal, de rembourser dans l’app, tout reste identique. Mais dans le rapport de la FDIC, le bilan de PayPal devient instantanément beaucoup plus propre, plus léger.
Grâce à cette opération, PayPal change d’identité : il passe d’un prêteur lourdement exposé au risque de défaillance, à un simple prestataire de services sans risque.
Ce type de transfert d’actifs, pour passer la régulation, n’est pas inédit à Wall Street, mais le faire à une telle échelle, avec une telle détermination, est exceptionnel. Cela montre la volonté ferme de la direction de PayPal : même si elle doit partager ses profits (intérêts sur prêts), elle préfère obtenir une « carte d’entrée » plus durable.
Mais cette fenêtre d’opportunité se ferme vite. La course contre la montre est engagée : la « porte dérobée » que PayPal espérait exploiter est en train de se refermer, voire d’être soudée.
La porte dérobée qui se ferme
La licence que PayPal demande s’appelle « Industrial Loan Company » (ILC). Si vous n’êtes pas un professionnel de la finance, vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Mais c’est une des entités les plus étranges, et les plus convoitées, du système de régulation américain.
Voici la liste des entreprises possédant une licence ILC : BMW, Toyota, Harley-Davidson, Target…
Vous vous demandez : pourquoi ces vendeurs de voitures ou d’épicerie veulent-ils ouvrir une banque ?
C’est là toute la magie de l’ILC. C’est une « faille réglementaire » unique aux États-Unis, issue de la loi de 1987 sur la « concurrence équitable » (CEBA). Bien que son nom évoque l’égalité, cette loi a laissé un privilège très inégal : elle exonère la société mère de l’ILC de l’obligation d’être une « holding bancaire » enregistrée.
Une banque classique doit être régulée par la Fed, avec une supervision intégrale. Mais une ILC, détenue par une société non financière, n’est pas sous la coupe de la Fed, mais uniquement de la FDIC et du régulateur de l’Utah.
Cela permet de bénéficier à la fois des privilèges d’une banque (collecte de dépôts, accès au système de paiement fédéral), tout en évitant la surveillance stricte de la Fed.
C’est ce qu’on appelle une « arbitrage réglementaire ». Et ce qui est encore plus séduisant, c’est la possibilité de « diversification » : la verticalité de la chaîne industrielle, comme BMW ou Harley-Davidson, qui intègrent leur propre banque.
BMW Bank n’a pas besoin de guichet physique : ses services sont intégrés dans le processus d’achat de voiture. Lorsqu’un client achète une BMW, le système de vente se connecte automatiquement à la banque de BMW pour le prêt.
Pour BMW, cela signifie à la fois réaliser une marge sur la vente, et capter les intérêts du crédit. Harley-Davidson, c’est pareil : sa banque peut même prêter à des motards rejetés par les banques classiques, car Harley connaît bien ses clients, et leur taux de défaillance est très faible.
C’est la vision ultime que rêve d’atteindre PayPal : faire du paiement d’un côté, de la banque de l’autre, avec la stabilité du stablecoin, sans laisser entrer d’acteurs extérieurs.
Vous vous demandez sûrement : si cette faille est si avantageuse, pourquoi Walmart ou Amazon ne demandent pas leur propre licence, et ne créent pas leur propre banque ?
Parce que le secteur bancaire traditionnel en a horreur.
Les banquiers considèrent que laisser des géants du numérique, avec leurs données massives, ouvrir une banque, c’est une défaite pour eux : une « réduction de dimension » du secteur. En 2005, Walmart avait tenté d’obtenir une ILC, mais cela avait provoqué une révolte générale dans le secteur bancaire américain. La fédération bancaire a fait pression sur le Congrès, arguant que si Walmart utilisait ses données pour offrir des prêts à ses clients, cela tuerait les banques de proximité.
Sous la pression de l’opinion, Walmart a finalement retiré sa demande en 2007. Cet épisode a marqué le début d’un « gel » réglementaire sur l’ILC : de 2006 à 2019, la FDIC n’a approuvé aucune nouvelle demande. Ce n’est qu’en 2020 que Square (rebaptisé Block) a réussi à faire bouger les choses.
Mais aujourd’hui, cette porte entrouverte risque de se refermer définitivement.
En juillet 2025, la FDIC a publié une consultation sur le cadre réglementaire des ILC, un signal fort de durcissement. Parallèlement, plusieurs propositions législatives sont en cours au Congrès.
Les acteurs se précipitent pour obtenir leur licence. En 2025, le nombre de demandes de licences bancaires aux États-Unis a atteint un sommet historique : 20 dossiers, dont 14 auprès de l’OCC, soit plus que les quatre années précédentes réunies.
Tout le monde sait que c’est la dernière chance. PayPal joue sa survie : si cette faille est définitivement fermée, il ne pourra plus jamais revenir en arrière.
La sortie de crise
La licence que PayPal vise est appelée « Industrial Loan Company » (ILC). Si vous n’êtes pas un spécialiste, vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Mais c’est une des entités les plus étranges, et les plus convoitées, du système de régulation américain.
Voici la liste des entreprises avec une licence ILC : BMW, Toyota, Harley-Davidson, Target…
Vous vous demandez : pourquoi ces vendeurs de voitures ou d’épicerie veulent-ils ouvrir une banque ?
C’est là toute la magie de l’ILC. C’est une « faille réglementaire » unique aux États-Unis, issue de la loi de 1987 sur la « concurrence équitable » (CEBA). Bien que son nom évoque l’égalité, cette loi a laissé un privilège très inégal : elle exonère la société mère de l’ILC de l’obligation d’être une « holding bancaire » enregistrée.
Une banque classique doit être régulée par la Fed, avec une supervision intégrale. Mais une ILC, détenue par une société non financière, n’est pas sous la coupe de la Fed, mais uniquement de la FDIC et du régulateur de l’Utah.
Cela permet de bénéficier à la fois des privilèges d’une banque (collecte de dépôts, accès au système de paiement fédéral), tout en évitant la surveillance stricte de la Fed.
C’est ce qu’on appelle une « arbitrage réglementaire ». Et ce qui est encore plus séduisant, c’est la possibilité de « diversification » : la verticalité de la chaîne industrielle, comme BMW ou Harley-Davidson, qui intègrent leur propre banque.
BMW Bank n’a pas besoin de guichet physique : ses services sont intégrés dans le processus d’achat de voiture. Lorsqu’un client achète une BMW, le système de vente se connecte automatiquement à la banque de BMW pour le prêt.
Pour BMW, cela signifie à la fois réaliser une marge sur la vente, et capter les intérêts du crédit. Harley-Davidson, c’est pareil : sa banque peut même prêter à des motards rejetés par les banques classiques, car Harley connaît bien ses clients, et leur taux de défaillance est très faible.
C’est la vision ultime que rêve d’atteindre PayPal : faire du paiement d’un côté, de la banque de l’autre, avec la stabilité du stablecoin, sans laisser entrer d’acteurs extérieurs.
Vous vous demandez sûrement : si cette faille est si avantageuse, pourquoi Walmart ou Amazon ne demandent pas leur propre licence, et ne créent pas leur propre banque ?
Parce que le secteur bancaire traditionnel en a horreur.
Les banquiers considèrent que laisser des géants du numérique, avec leurs données massives, ouvrir une banque, c’est une défaite pour eux : une « réduction de dimension » du secteur. En 2005, Walmart avait tenté d’obtenir une ILC, mais cela avait provoqué une révolte générale dans le secteur bancaire américain. La fédération bancaire a fait pression sur le Congrès, arguant que si Walmart utilisait ses données pour offrir des prêts à ses clients, cela tuerait les banques de proximité.
Sous la pression de l’opinion, Walmart a finalement retiré sa demande en 2007. Cet épisode a marqué le début d’un « gel » réglementaire sur l’ILC : de 2006 à 2019, la FDIC n’a approuvé aucune nouvelle demande. Ce n’est qu’en 2020 que Square (rebaptisé Block) a réussi à faire bouger les choses.
Mais aujourd’hui, cette porte entrouverte risque de se refermer définitivement.
En juillet 2025, la FDIC a publié une consultation sur le cadre réglementaire des ILC, un signal fort de durcissement. Parallèlement, plusieurs propositions législatives sont en cours au Congrès.
Les acteurs se précipitent pour obtenir leur licence. En 2025, le nombre de demandes de licences bancaires aux États-Unis a atteint un sommet historique : 20 dossiers, dont 14 auprès de l’OCC, soit plus que les quatre années précédentes réunies.
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Tout le monde sait que c’est la dernière chance. PayPal joue sa survie : si cette faille est définitivement fermée, il ne pourra plus jamais revenir en arrière.
Briser la glace
Les licences que PayPal demande sont appelées « Industrial Loan Company » (ILC). Si vous n’êtes pas un professionnel de la finance, vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Mais c’est une des entités les plus étranges, et les plus convoitées, du système de régulation américain.
Voici la liste des entreprises possédant une licence ILC : BMW, Toyota, Harley-Davidson, Target…
Vous vous demandez : pourquoi ces vendeurs de voitures ou d’épicerie veulent-ils ouvrir une banque ?
C’est là toute la magie de l’ILC. C’est une « faille réglementaire » unique aux États-Unis, issue de la loi de 1987 sur la « concurrence équitable » (CEBA). Bien que son nom évoque l’égalité, cette loi a laissé un privilège très inégal : elle exonère la société mère de l’ILC de l’obligation d’être une « holding bancaire » enregistrée.
Une banque classique doit être régulée par la Fed, avec une supervision intégrale. Mais une ILC, détenue par une société non financière, n’est pas sous la coupe de la Fed, mais uniquement de la FDIC et du régulateur de l’Utah.
Cela permet de bénéficier à la fois des privilèges d’une banque (collecte de dépôts, accès au système de paiement fédéral), tout en évitant la surveillance stricte de la Fed.
C’est ce qu’on appelle une « arbitrage réglementaire ». Et ce qui est encore plus séduisant, c’est la possibilité de « diversification » : la verticalité de la chaîne industrielle, comme BMW ou Harley-Davidson, qui intègrent leur propre banque.
BMW Bank n’a pas besoin de guichet physique : ses services sont intégrés dans le processus d’achat de voiture. Lorsqu’un client achète une BMW, le système de vente se connecte automatiquement à la banque de BMW pour le prêt.
Pour BMW, cela signifie à la fois réaliser une marge sur la vente, et capter les intérêts du crédit. Harley-Davidson, c’est pareil : sa banque peut même prêter à des motards rejetés par les banques classiques, car Harley connaît bien ses clients, et leur taux de défaillance est très faible.
C’est la vision ultime que rêve d’atteindre PayPal : faire du paiement d’un côté, de la banque de l’autre, avec la stabilité du stablecoin, sans laisser entrer d’acteurs extérieurs.
Vous vous demandez sûrement : si cette faille est si avantageuse, pourquoi Walmart ou Amazon ne demandent pas leur propre licence, et ne créent pas leur propre banque ?
Parce que le secteur bancaire traditionnel en a horreur.
Les banquiers considèrent que laisser des géants du numérique, avec leurs données massives, ouvrir une banque, c’est une défaite pour eux : une « réduction de dimension » du secteur. En 2005, Walmart avait tenté d’obtenir une ILC, mais cela avait provoqué une révolte générale dans le secteur bancaire américain. La fédération bancaire a fait pression sur le Congrès, arguant que si Walmart utilisait ses données pour offrir des prêts à ses clients, cela tuerait les banques de proximité.
Sous la pression de l’opinion, Walmart a finalement retiré sa demande en 2007. Cet épisode a marqué le début d’un « gel » réglementaire sur l’ILC : de 2006 à 2019, la FDIC n’a approuvé aucune nouvelle demande. Ce n’est qu’en 2020 que Square (rebaptisé Block) a réussi à faire bouger les choses.
Mais aujourd’hui, cette porte entrouverte risque de se refermer définitivement.
En juillet 2025, la FDIC a publié une consultation sur le cadre réglementaire des ILC, un signal fort de durcissement. Parallèlement, plusieurs propositions législatives sont en cours au Congrès.
Les acteurs se précipitent pour obtenir leur licence. En 2025, le nombre de demandes de licences bancaires aux États-Unis a atteint un sommet historique : 20 dossiers, dont 14 auprès de l’OCC, soit plus que les quatre années précédentes réunies.
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Tout le monde sait que c’est la dernière chance. PayPal joue sa survie : si cette faille est définitivement fermée, il ne pourra plus jamais revenir en arrière.